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Prière de l’atelier justice octobre 2022

Laisse-toi éprouver.

Paula, magistrate à Aix, nous propose une méditation sur l’épreuve, à partir de sa propre expérience. Elle a fait un choix inhabituel, celui d’un texte d’Elisabeth Kubler-Ross, psychiatre, reconnue pour ses travaux sur la fin de vie et les soins palliatifs, ainsi que sur le deuil et ses étapes. C’est dans ce cadre que prend place l’extrait ci-dessous.

Jésus n’a pas théorisé sur le sens des lourdes épreuves de nos vies. Il s’approche des êtres blessés, leur manifeste sa compassion et l’amour inconditionnel du Père qui relève et reconstruit. Demandons-lui sa grâce pour que les épreuves traversées deviennent chemin d’humanité.

Prenons soin les uns des autres en ce mois ; peut-être nous retrouverons-nous à la halte spirituelle du 28 au 30 octobre ?

« La plupart des gens considèrent leurs conditions de vie comme difficiles, leurs épreuves et leurs tourments, leur terreur et toutes les pertes comme une malédiction, une punition de Dieu, quelque chose de négatif. Si seulement on pouvait comprendre que rien de ce qui nous arrive n’est négatif, et je souligne : absolument rien ! Toutes les épreuves et les souffrances, même les pertes les plus importantes, ainsi que tous les événements dont on dit par la suite : « Si je l’avais su avant, je n’aurais jamais cru pouvoir tenir le coup », sont toujours des cadeaux.

Être malheureux et souffrir est comme forger le fer rouge. C’est l’occasion qui nous est donnée pour grandir. C’est la seule raison de notre existence sur terre. On ne peut pas grandir psychiquement en étant assis dans un beau jardin où l’on vous sert un succulent dîner sur un plateau d’argent. Mais on grandit lorsqu’on est malade ou lorsqu’on souffre, lorsqu’il faut faire face à une perte douloureuse. On grandit si l’on ne met pas la tête dans le sable, mais qu’au contraire on accepte la souffrance en essayant de la comprendre, non comme une malédiction ou une punition, mais comme un cadeau fait dans un but précis. »

Élisabeth Kübler-Ross

Ce texte me touche au plus profond en me renvoyant notamment à une période de ma vie au cours de laquelle j’ai été particulièrement éprouvée.

L’épreuve, on ne la souhaite à personne et on est heureux quand on en sort.

Et pourtant je me rends compte à quel point aujourd’hui, plusieurs années après, cette épreuve m’a fait grandir.

L’épreuve, je la ressens quotidiennement chez les personnes sur lesquelles je suis amenée à porter mon regard dans le cadre de mon activité professionnelle : actes irrémédiables commis dans un contexte où elles ont été submergées par les souffrances subies par elles-mêmes et où notre société n’a pas été en capacité de permettre une réponse non violente à une situation de conflit, actes de délinquance commis par des mineurs en totale perte de repères, dont les parents, malgré leurs combats, se trouvent démunis ; actes commis par des personnes sous l’emprise d’addictions dont elles n’arrivent pas, malgré leurs efforts, à se défaire ; épreuve de l’incarcération et souhait exprimé avec force d’une remise en liberté et d’une décision de changement de vie sur laquelle je reste souvent dubitative… ; épreuve des familles qui viennent visiter et soutenir les détenus et qui se trouvent démunies face à des parcours chaotiques, épreuves.., épreuves.., épreuves…

Je vois tous ces acteurs de la justice, éducateurs, avocats, surveillants pénitentiaires, magistrats, greffiers, policiers et gendarmes notamment, qui mettent toute leur énergie aux fins d’humaniser au mieux leurs tâches et qui ont envie d’aider mais je vois également le gouffre qui sépare ces bonnes volontés et le vécu des personnes en situation de détresse.

Seigneur, je te confie toutes les personnes que je côtoie dans mon travail et qui vivent l’épreuve. Garde les comme la prunelle de l’oeil et à l’ombre de tes ailes cache les afin qu’elles parviennent à ne pas mettre la tête dans le sable et à trouver un jour un sens au chemin qu’elles auront parcouru.

Paula, avec l’aide de Pierre

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