Isabelle, juriste à l’Assemblée nationale, nous partage sa prière. Le temps pascal n’est pas automatiquement une ode à la joie, c’est souvent le chemin laborieux où se fraie en nous l’expérience de la résurrection.
Ainsi, en préambule à cette prière, je vous propose d’imaginer que vous êtes un des deux disciples sur le chemin d’Emmaüs et que Jésus ressuscité y marche avec vous. Vous pourrez prolonger les mots d’Isabelle par les vôtres, en lui racontant ce qui vous habite…
Quand je suis tentée de désespérer.
En ce printemps 2022, qui devrait être le signe du renouveau, j’ai du mal à m’émerveiller devant les arbres en fleurs, devant les signes d’une vie qui se renouvelle…
Bien au contraire, c’est plutôt la tentation de la désespérance qui me guette.
La guerre qui se déchaine tout près de nous, l’apathie démocratique qui frappe nombre de nos concitoyens qui semblent indifférents à l’exercice de leur droit de vote, la complexité du fonctionnement de notre monde économique, toutes ces sources d’inquiétude me conduisent à me sentir impuissante et submergée par le découragement.
Nous sommes assaillis chaque jour, de nouvelles assez alarmantes sur la dégradation de notre environnement et sur notre incapacité à prendre collectivement des mesures indispensables pour préserver la qualité de vie des générations futures.
Le progrès scientifique et technologique nous donne des moyens d’action très puissants pour transformer le monde mais en même temps, nous sommes en tant que citoyens confrontés à un sentiment d’impuissance, d’impasse politique car le monde est devenu très complexe et nous avons du mal à exprimer des choix collectifs pour organiser notre destin commun. Face à la complexité des mécanismes socio-économiques de la mondialisation, n’est- ce pas le sentiment d’impuissance qui l’emporte, avec la tentation de se replier sur son cocon familier ?
Seigneur donne-moi la grâce de ne pas céder au désespoir et au fatalisme. Donne-moi le courage d’agir là où je suis, modestement mais en œuvrant activement pour améliorer notre intelligence collective.
Seigneur donne- moi d’être attentive aux signes de l’Esprit. Même si parfois, j’ai envie de crier ma révolte en me demandant pourquoi Dieu semble absent, je garde la certitude que Dieu même dans son silence ne cesse d’être et de demeurer avec nous.
Comme le dit Saint Paul, il nous faut « espérer contre toute espérance ».
Faisons le pari de l’Espérance.
Que l’Esprit parle à notre esprit
Dans le silence !
Ecoutons les propos d’Alain Cugno[1]qui cherche à nous faire comprendre la différence entre l’espoir et l’espérance. Pour lui, l’espérance commence quand il n’y a plus d’espoir, quand il n’y a plus de raison objective que cela puisse aller mieux. « L’espérance a abandonné les désirs pour s’ouvrir au possible qui n’est absolument pas prédéfini. C’est un geste de confiance vers ce qui vient, indistinct, impossible en apparence. L’espérance est une confiance aveugle qui rend lucide ».
Ayons confiance. Dieu agit mystérieusement et nous transforme : “Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j’enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois” (Ézéchiel 36,26-27).
Comme le disait Éric de Clermont-Tonnerre, prieur du couvent des Dominicains de l’Annonciation, dans un entretien sur Radio Notre Dame en Mai 2020, « l’Espérance, ce n’est donc pas espérer que les choses aillent mieux, non, c’est travailler pour que les choses aillent mieux. L’espérance est un engagement, je dirais même un combat ».
Donne nous Seigneur, de voir les germes d’espérance dans les situations désastreuses ou pénibles que nous vivons.
Donne-nous de garder confiance,
Mais croyons-nous vraiment que Dieu peut faire des êtres vivants des ossements desséchés d’Ézéchiel (ch. 37 vers 4-14) ?
Pour conclure cette prière, je voudrais vous inviter à partager ce très beau texte du jésuite Pierre Lyonnet (1906-1949) :
Quand le mal m’écrase
Seigneur Jésus,
comment pourrais-je bien prier
quand le mal m’écrase
et que je n’en peux plus…
Toi qui as connu le creux de la souffrance,
Toi qui es passé par là,
aujourd’hui sois avec moi.
Toi qui as fait face jusqu’au bout,
aide-moi à tenir bon.
Toi qui es vivant,
viens prier en moi par ton Esprit saint.
Et pendant que je traverse l’épreuve,
fais passer en moi le souffle de ta Résurrection.
[1] Le Pari de l’espérance, dialogue entre une théologienne et un philosophe, de Geneviève Comeau
et, Lessius, 2016