Montée des populismes, fermetures des frontières, replis identitaires, construction de murs, l’actualité pourrait nous porter à désespérer de notre humanité, pourtant de nombreux citoyens s’engagent pour une véritable solidarité par des actes concrets d’accueil des migrants et des plus démunis. C’est autour de cette question qu’une trentaine de compagnons venus de toute la France ont pu, lors d’une rencontre de l’atelier “étrangers” du mois de mai, partager et relire leur expérience en présence d’Antoine Paumard Sj Directeur de JRS France.
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Le temps du partage nous a fait vivre l’écoute des expériences qui nous donnent des raisons d’espérer et des lieux de conflit, de lassitude qui nous habitent ; des tentations de se bétonner et des occasions de créer des partenariats fructueux ; entendre la mise en place des plaidoyers et éprouver la générosité désordonnée qui asphyxie. Nommer ces mouvements qui nous brassent, nous ouvrir à des points de vigilance (l’appropriation des personnes, la notion du temps pour chacun, le lien et l’abandon au quotidien des rencontres…) prendre en compte le discernement nécessaire pour certains, écouter les paroisses vivantes, les quartiers, les chefs d’entreprise qui se mobilisent, les administrations qui fragilisent, le travail de fourmi de chacun et nos raisons d’Espérer.
Temps de relecture avec Antoine Paumard SJ – directeur JRS France
Merci à Antoine, venu comme un frère sur la route d’un chemin commun, avançant vers un même objectif, avec humilité, pour témoigner à quel point aimer Dieu comme les hommes n’est ni facile ni de tout repos ! :
La rencontre avec les réfugiés nous place en tension, dans son double sens, c’est-à-dire tendu dans le sens de nerveux mais aussi tendu prêt pour l’atteinte d’un objectif.
Dans la contemplation (exercice spirituel 102) de l’humanité, sa diversité et comment les hommes se précipitent en enfer, les 3 personnes divines décident d’intervenir au cœur même de ces tensions, par l’incarnation.
En quoi parvient-on à se laisser interroger par le Christ sur un principe clair « l’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu et ainsi sauver son âme » ?
On peut être pris en quelque sorte, la main dans le pot de miel en étant trop dispersé dans nos actions, fatigués à franchir nos limites.
La seconde semaine des exercices spirituels nous initie bien au discernement des Esprits et au risque de la vraie tentation, quand le diable se déguise en bien ! Mère Thérésa disait « lorsque je m’occupe de quelqu’un je me contente d’une personne avant de m’occuper d’une autre »
En quoi est-ce que j’accepte mes limites ? Les limites de la structure dans laquelle j’interviens ?
Quelle est la visée du service ? Le Christ incarné lui-même s’est limité pour être accepté. Eprouver la limite du service est rassurant. Dieu se rappelle à moi en donnant des limites.
Partager notre impuissance c’est dépouillant et parfois la seule chose possible. Ignace dans son récit du pèlerin nous le dit bien, être conduit vers un lieu où je ne m’attendais pas.
C’est important aussi de prendre du temps, le Christ a pris du temps pour sa mission, les migrants aussi ont eu besoin de temps pour venir. Nous sommes souvent dans la frénésie mais la réalité ne marche pas comme ça, même si c’est infernal, la patience est importante. Le Christ prend le temps pour rejoindre les pélerins d’Emmaus, de cheminer avec eux toute la journée
Heureusement nous sommes invités à entretenir des liens de partenariat avec divers mouvements ou associations en faveur des migrants, beaucoup seront utiles, nous nous sentirons peut-être trahis par certains, accepter profondément ce partenariat développe la culture de dépossession et d’humilité même s’il y a des conflits latents. L’absence de conflit ne signifie pas l’absence de violence parfois au contraire. Entrer en discussion, en dialogue, oser la confrontation, c’est le propre du Christ.
Le dialogue est fécond et m’invite à une autre relation avec mes compagnons. Lorsque la société est divisée, c’est là où nous sommes convoqués.
Lorsque nous sommes témoin d’une violence, d’une injustice insupportable, comment la vivre ? Comment ne pas entrer dans une forme de violence ? Je reste silencieux, comme le Christ dans sa passion, communion profonde. Invitation au silence et à une parole pauvre, venez et voyez les migrants.
Par la rencontre quelque chose peut germer. La rencontre avec les migrants me transforme, le demandeur d’asile est le levain de la pâte et l’on peut y inviter les récalcitrants.
Nous sommes appelés à une parole en commun autour des demandeurs d’asile, comment faire porter cette voix et mettre au centre l’étranger ? L’oublier c’est risquer les dissensions et la dispersion. Le plaidoyer c’est une stratégie pour dire que l’autre est capable de changer plutôt que prétendre avoir raison.
Que veut dire être aller aux frontières comme le Pape François nous y a invité ? En quoi l’étranger fait partie de la chair du Christ ? Une attention particulière à développer mon intériorité au fur et à mesure où je développe l’extérieur. La rencontre avec les migrants, les peines, les joies, m’indique un chemin pour être plus profond.