Dans ce temps pascal, Diego, avocat breton, nous partage sa méditation du récit du lavement des pieds. Envoyés en mission à la suite du premier groupe de témoins, nous sommes, en effet, sans cesse renvoyés à notre être de disciple : c’est là que se discerne et se vérifie notre mission.
Demandons cette grâce les uns pour les autres en nous préparant à célébrer le don de l’Esprit-Saint. Il est l’Avocat de la cause de Dieu en nous et dans ce monde et nous libère de tout retour sur nous-même. Alleluia ! Et prions pour ceux et celles d’entre nous qui vivent de rudes épreuves professionnelles, familiales ou de santé.
« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Jean 13.
Ce dernier Jeudi Saint, en te regardant laver les pieds de Tes disciples je me suis interrogé, Seigneur : comment appliquer Ton invitation à faire de même dans mon travail au service de la justice terrestre.
Tu m’en demandes beaucoup puisque ce geste était réservé de ton temps aux plus humbles. Tu ne m’attends pas dans les hauteurs mais dans un abaissement tout aussi vertigineux. Alors, où m’invites-tu précisément à me placer devant la détresse des hommes que je rencontre chaque jour ?
Au long des temps, Tu me montres d’abord où ne pas être. Tu m’aides ainsi à démasquer les visages multiples de la tentation dans mon service de la justice : celui de la relation de pouvoir entre aidant et aidé, celui du besoin de sauver son prochain qui n’a rien demandé (et que d’ailleurs Tu as déjà sauvé), celui de la domination par la séduction, et d’autres visages que j’ai encore à découvrir. Comme avec Toi au désert, le tentateur ne manque décidemment pas d’imagination pour salir les plus beaux mouvements.
Mais alors Toi ? Comment étais-tu quand Tu tenais en tes mains les pieds nus de Tes disciples ?
Je crois Seigneur que notre siècle a aussi ses lumières au travers desquelles Tu nous parles au temps présent. J’entends ainsi parmi les bruits du monde d’aujourd’hui : « Pas de paternalisme. Pas de condescendance. De la fraternité. » Mais que faut-il comprendre par là ?
Je perçois un appel à m’imprégner d’un esprit de solidarité, une attitude intérieure témoignant de l’égale dignité de chacun, admettant que l’assistant a ses propres fragilités, confessant que nous sommes tous dépendants les uns des autres.
Et voici ma prière Seigneur.
D’abord je Te remercie pour notre époque, merci pour cette nouvelle expression de la justice que Tu nous donnes à voir, manifestation de Ta justice puisque amour et vérité s’y rencontrent avec leurs fruits de paix (Ps. 84).
Seigneur, je Te présente aussi mes difficultés à aimer jusqu’au bout tous ceux avec qui j’œuvre au service de la justice. Y compris ceux qui me ramènent au statut d’objet de leur petit pouvoir, ceux qui m’ignorent simplement plutôt que de m’écouter, ceux qui méprisent manifestement mon service et parfois même m’offensent publiquement.
Alors que c’est finalement assez facile de laver les pieds de ceux qui souffrent et le disent humblement, car ils donnent sens à mon existence, j’ai bien du mal avec ceux-là.
Je n’arrive pas à me représenter cette scène extrême : dans Tes mains, les pieds de Judas, celui dont Tu sais qu’il va Te faire crucifier.
Je crois que c’est là que Tu m’attends, au plus bas, comme une ligne de Vie au long de laquelle je me purifie de la tentation de me protéger par l’indifférence, la démission, ou la dérision.