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13 mars 2013 : confortablement installé sur mon canapé, j’attends comme de nombreux catholiques et de personnes dans le monde qu’apparaisse au balcon de Saint-Pierre notre nouveau pape… Ayant lu la presse j’ai en tête quelques noms de « papabile »… et puis, ébahi comme beaucoup, j’entends ce nom aux consonances inconnues et j’entends les premiers mots de ce nouveau pape qui dit s’appeler François : à ce moment-là, je comprends que quelque chose change : « je souhaite que vous priiez pour moi, que vous me donniez votre bénédiction » et plus tard « bonne soirée ». Ces quelques phrases toutes simples me vont droit au cœur, m’émeuvent et augurent déjà d’un autre style, d’un autre rapport au monde, aux fidèles… Ce soir-là je me suis endormi paisiblement, le cœur rempli d’espérance pour ce nouveau chemin ecclésial.
Ensuite, je dois dire qu’apprenant son appartenance à la compagnie de Jésus, il ne m’a pas été difficile d’appliquer « l’à-priori favorable » qui nous est cher. Très vite, j’ai été touché par son style de vie volontairement plutôt sobre, que nous nous efforçons aussi en communauté de mettre en œuvre.
Durant ses douze années de pontificat il a incarné réellement son titre de vicaire du Christ… : remplaçant du Christ sur Terre. Son positionnement de pasteur nous a tous poussé, bousculé vers les exigences de l’Évangile : miséricorde, amour du prochain, soucis des plus pauvres, …
Je dois dire que ses paroles ont profondément influé sur ma vie et mes engagements. Jusque-là j’avais très peu lu les textes de ses prédécesseurs, et dès sa première encyclique Evangelii Gaudium je me suis senti interpellé par ses propositions simples, claires et pertinentes. Cela n’a fait que se confirmer par la suite et notamment Laudato Si’ qui a été l’objet d’une prise de conscience. Il m’a saisi en m’amenant à plusieurs engagements au service de la cause de l’écologie intégrale, dont, entre autres, le groupe de conversion écologique de notre communauté régionale. Le texte de Fratelli Tutti a été le déclencheur de mon bénévolat dans une communauté Emmaüs. En fait, tous ces textes ont été des guides spirituels pour l’approfondissement et la mise en pratique de ma foi : François a été un maître spirituel pour beaucoup d’entre nous…
Face aux défis du monde actuel et de la crise importante que traverse notre Église, il a pris à bras le corps les dysfonctionnements de notre institution. Cela n’a pas été facile et il s’est attiré beaucoup d’inimitié … Le déclenchement du synode ces dernières années a été l’outil de transformation qu’il a choisi pour notre Église. Là aussi, la méthode a surpris ! Mais quelle joie de recevoir l’invitation à participer de manière active et collective, à l’écoute de l’Esprit-Saint, dans un « cheminer ensemble pour mieux vivre du Christ ». Comme d’autres, j’y ai pris ma part, même si ce ne fut pas toujours simple dans le diocèse. La promulgation de la conversation spirituelle comme principal outil de ce synode fut une heureuse surprise pour nous, compagnons CVX essayant depuis longtemps, à partir de notre propre expérience, d’en faire part dans nos différentes instances ecclésiales…depuis, les demandes de conseil ont augmenté !
L’enracinement ignatien de François a teinté de façon évidente son message. La pratique du discernement est rappelée dans tous les textes et développée dans Gaudate et Exsultate, l’accompagnement spirituel dans « Evangelii Gaudium, la recherche de l’intériorité : « il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’engagement et à l’activité » (Evangelii Gaudium-262), la prière comme préalable à toute décision et tout cheminement, mais aussi l’ouverture au monde, aux autres traduite par l’amitié sociale dans Fratelli Tutti, la considération de toute situation particulière face à des généralisations hâtives et tranchées dans Amoris Laetitia… la liste est longue et explique comment son enseignement nous a rejoint profondément dans notre chemin spirituel communautaire.
Davantage que son enseignement, ses actes ont été éclairants : son premier voyage en 2013 à Lampedusa pour sensibiliser à l’accueil des migrants, ses visites dans les prisons, dans des petits pays, auprès de dignitaires d’autres religions comme en février 2019 avec le grand Imam d’Al-Azhar ou en mars 2021 avec le grand Ayatollah Sistani…Ils nous ont édifiés en témoignant d’une grande liberté intérieure, tant promue par Ignace. Cette liberté en a déconcerté plus d’un, comme son absence à la bénédiction de Notre-Dame de Paris, mais a forcé le respect dont il a fait l’objet : son visage a changé le visage de la Chrétienté dans le monde entier.
Alors aujourd’hui, si mon âme est triste d’avoir perdu un Père, un maître, un frère qui m’a tant inspiré, elle est aussi reconnaissante pour toutes les grâces reçues par son intermédiaire et un grand merci jaillit de ma bouche. Comme François l’a dit lui-même dans Fratelli Tutti : « la teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine » ; en ce qui le concerne, son amour pour l’humanité entière manifesté dans son pontificat atteste d’une valeur immense. Puisse sa vie, ses écrits nous inspirer encore longuement dans notre cheminement personnel et communautaire. Nous prions maintenant pour que son œuvre puisse avoir une continuation cohérente avec notre futur pape.
Yves, membre de la communauté régionale Bretagne occidentale