Lors de l’Assemblée mondiale d’Amiens (2023) puis de l’Assemblée de communauté au Hautmont (2024), il a été rappelé l’importance des familles parmi les champs de mission de la CVX. Or un nombre croissant de nos contemporains ne vivent pas au sein d’une famille “classique”, soit parce qu’ils élèvent seuls leurs enfants (“familles monoparentales”), soit parce qu’ils vivent seuls (“célibataires”). Le célibat non choisi et non consacré étant une réalité de plus en plus prégnante, il nous a semblé important d’en parler dans cette newsletter, d’autant que pour la première fois en France, un Jubilé des célibataires va être célébré à Paray-le-Monial les 16-18 mai prochains. Parmi les personnes qui organisent ce Jubilé, deux sont membres de CVX : Claire Lesegretain (PGV) et Christelle J. (PSO).
Dans les années 1990, il n’existait pratiquement rien dans l’Église à destination des célibataires (1)… Le livre du prêtre et psychanalyste Marc Oraison, Le Célibat : aspects négatifs, réalités positives (Le Centurion, 1966) traitait surtout du célibat des prêtres et des religieuses. Quelques sessions spécifiques étaient animées par le jésuite Michel Bureau, qui en tant qu’ancien aumônier d’étudiants, avait constaté l’importante demande d’accompagnement de la part de ceux et celles qui n’étaient pas mariés. Il y avait aussi des soirées de partage proposées par Dominique de Monléon (2) et par la paroisse parisienne de la Trinité…
J’ai donc fait un peu figure de pionnière avec mon livre Etre ou ne pas être célibataire (éd. Saint-Paul) paru en 1998. Dans cet ouvrage, je donnais la parole à une quinzaine d’experts (sociologues, psychanalystes, philosophes, théologiens…) pour tenter d’expliquer le phénomène sociétal du célibat, ainsi qu’à une vingtaine d’hommes et de femmes célibataires ayant donné sens et fécondité à leur état de vie non choisi initialement.
Peu après la parution de cet ouvrage, j’ai été sollicitée pour animer des sessions spirituelles à destination des célibataires chrétiens, notamment à Manrèse, au Hautmont et à Biviers. Depuis février 2000, j’anime ainsi en moyenne cinq week-ends par an avec, à chaque fois, une quinzaine de participants, majoritairement des femmes entre 30 et 50 ans. Je suis parfois sollicitée aussi pour des temps forts d’une demi-journée. Ce fut le cas en octobre 2016 au Centres Sèvres, à la demande de l’équipe service de la région Paris Saint-Geneviève qui avait organisé un après-midi de réflexion et de partage autour du célibat non choisi : je me souviens qu’il avait fallu rajouter des chaises car les organisateurs n’avaient pas prévu autant de participants…
Une situation de vie
Depuis vingt-cinq ans, on constate donc une prise de conscience dans les diocèses, les paroisses, les mouvements d’Église… Le nombre croissant de célibataires ne peut plus passer inaperçu et il apparait désormais évident, pour les équipes de pastorale familiale, qu’il faut tenir compte aussi des personnes qui ne sont pas mariées et qui ne l’ont jamais été… sans pour autant les enfermer dans une situation de vie qui n’est pas appelée à durer.
Ainsi, les propositions ecclésiales à destination des célibataires se multiplient et se diversifient, pour tenir compte de la diversité des célibataires et de leurs attentes. Certains veulent surtout plus d’attention et de reconnaissance de la part des instances ecclésiales : « Comment se fait-il que l’on n’entende jamais à la messe, pendant la prière universelle, d’intention pour les célibataires, alors que l’on prie régulièrement pour les couples, les familles, les jeunes, les personnes malades ou au chômage ? », disent-ils. D’autres, parmi les plus jeunes, souhaitent se retrouver et partager à l’occasion de temps festifs et chaleureux : « L’Église qui prépare tant de couples au mariage ne pourrait-elle pas s’intéresser davantage aux célibataires catholiques en organisant des soirées ou des week-ends conviviaux pour faire connaissance ? », interrogent-ils. D’autres encore désirent des pistes pour réfléchir à leur état de vie et lui donner plus de fécondité…
Face à cette diversité des demandes des célibataires et face aussi au désarroi des diocèses, paroisses et mouvements d’Église ne sachant trop comment y répondre, nous avons été plusieurs – catholiques pratiquants et engagés, membres de CVX ou de l’Emmanuel – à cofonder, en octobre 2017, la plateforme « Célibataires en Église ». Notre objectif était d’apporter des outils bibliques, théologiques, pastoraux mais aussi sociologiques, démographiques, historiques pour comprendre le célibat et permettre à toutes les instances ecclésiales qui le désireraient d’offrir des propositions à destination des célibataires.
« Célibataires en Église » a commencé à se manifester publiquement en participant au Congrès-Mission de septembre 2018 à Paris : notre stand, ainsi que notre table-ronde et nos trois ateliers furent remarqués. « Enfin, des célibataires en tant que tels sont représentés dans un grand rassemblement d’Église ; ça fait tellement plaisir ! », nous fut-il dit souvent dans la cour de récréation et les locaux du collège-lycée Stanislas. Puis « Célibataires en Église » a organisé un premier colloque au Collège des Bernardins, en février 2019, afin d’accélérer une prise de conscience parmi les responsables ecclésiaux, clercs et laïcs. Il ne s’agit pas, affirma en substance Laurent Landete (3) au cours de la table-ronde, « d’ajouter un silo supplémentaire pour les célibataires mais de penser à eux et de les associer de manière transversale à toutes les propositions d’Église ».
Sensibilisation et visibilisation
Forts du succès de ce premier colloque, et à la demande du Pôle de recherche du Collège des Bernardins, nous avons ensuite lancé un séminaire de recherche, à raison de huit demi-journée de travail avec une quinzaine d’experts et d’universitaires, en présentiel puis en visioconférence (pendant les confinements). Il s’agissait toujours de répondre aux nombreuses questions qui se posent à propos du célibat, sur les plans historique, démographique, psychologique, anthropologique, philosophique, théologique et pastoral : Peut-on considérer cet état de vie initialement non choisi comme une « vocation » ? Si non, quel sens lui donner ? En quoi la révélation chrétienne éclaire-t-elle le célibat ? Que proposer à ceux et celles qui ne semblent appelés ni au mariage ni à la vie consacrée ? Faut-il institutionnaliser la vocation de célibataire et la transformer en « état de vie »? Quel est le chemin du don de soi qui peut rendre heureux les célibataires ? Que dire de la fécondité de ceux et celles qui n’ont pas d’enfant ?…
La qualité des interventions et la certitude que tout ce travail devait être largement partagé nous a amenés à organiser un second colloque, toujours au Collège des Bernardins, en octobre 2021. Enrichis de tous ces travaux et textes de grande qualité, nous les avons publiés, en mai 2023, sous forme d’un ouvrage grand public : « Célibataires, votre vie a un sens ! » (éd. Saint-Paul).
Et pour clôturer tout ce travail de sensibilisation et de visibilisation, « Célibataires en Église » s’est lancé, depuis décembre 2023, dans l’organisation d’un « Jubilé des célibataires » les 16-18 mai prochain dans le sanctuaire de Paray-le-Monial, qui fête cette année le 350ème anniversaire des apparitions du Sacré Cœur de Jésus à Marguerite-Marie Alacoque. En collaboration avec le sanctuaire, nous voulons permettre aux célibataires (600 personnes sont attendues, prioritairement âgées de 30 à 50 ans) de se retrouver pour un temps fort, à la fois festif et priant, nourrissant et convivial, joyeux et profond.
Si vous êtes célibataire, n’hésitez pas à vous inscrire /Si vous ne l’êtes pas, parlez-en autour de vous.
NB : Il est tout à fait possible de s’inscrire, même si l’indication “complet” apparaît sous les offres d’hébergement du site, en trouvant son logement via l’office du tourisme.
Chaque atelier parmi les 12 proposés est animé 2 fois, avec un nombre de places limité à 50 participants par session. Ainsi, les premiers inscrits auront plus de choix dans les créneaux disponibles.
Au programme de ces deux jours : une table-ronde sur le thème « S’aimer mieux pour aimer plus ! » avec le jésuite Nicolas Rousselot (chapelain de Saint-Ignace, à Paris), Olivier Orna (cofondateur du site de rencontre Theotokos), Ghada El Khoury (psychanalyste et carmélite) et Marie-Liesse Malbrancke (auteur de Célibataires ? Pas pour toujours !, Salvator, 2024) ; douze ateliers interactifs sur des thèmes variés (« Attirance ? Amitié ? Amour ? Comment y voir clair ? » ; « Habiter son corps ? » ; « Désir d’enfant, jusqu’où ? » ; « Continuer de croire au mariage malgré ses échecs » ; « Sexe et cœur : aimer en toute liberté » ; « Porter du fruit, de quelle fécondité parle-t-on ? » ; « Et si mon célibat me convenait ? »…) ; veillée de la miséricorde dans la basilique du Sacré-Cœur ; messe dominicale présidée par Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun, avec bénédiction spéciale des célibataires…
Cet événement d’Église sera une première mondiale (un tel rassemblement de célibataires chrétiens ne s’est jamais fait ailleurs) et contribuera à dessiner, de manière toujours plus concrète et tangible, ce que peut être une « pastorale des célibataires ».
Claire Lesegretain, membre de la communauté régionale Paris Sainte-Geneviève
Notes :
(1) Le célibat est compris ici comme l’état de celui qui n’a jamais été marié (définition d’ordre administratif) et qui ne vit pas en couple (acception d’ordre social).
(2) Dominique de Monléon Cabaret est l’auteur de Dieu ne m’a pas oublié (éd. Saint-Paul, 2001, réédité en 2013).
(3) A l’époque, Laurent Landete n’était pas encore directeur du Collège des Bernardins mais était déjà membre du Dicastère pour le Laïcs, la Famille et la Vie.