L’atelier Justice de la CVX réunit localement tous les deux mois et/ou nationalement au moins tous les deux ans des bénévoles et professionnels de l’institution judiciaire française (principalement avocats, magistrats, aumôniers de prison, mais aussi parfois éducateurs, conseillers d’insertion et de probation, ou forces de l’ordre, juristes …), qui ont peu l’occasion de se côtoyer en dehors du cadre très formalisé de leurs fonctions.
Ils relisent leur engagement à la lumière de l’Évangile, selon la spiritualité de saint Ignace et partagent leurs réflexions sur l’exercice de leur métier.
L’institution judiciaire est à la manœuvre sur un terrain régalien, forte de sa légitimité et de la violence légitime en action ; l’atelier justice demeure voué à la rencontre fragile de quelques individualités en proie au questionnement spirituel, au désir d’unifier leurs vies avec le Christ et au désir de décloisonner leurs professions.
L’atelier se greffe en quelque sorte sur l’institution car il rassemble quelques-uns de ses acteurs et y puise la matière de sa réflexion ; l’on est autorisé à croire qu’elle y gagne un petit supplément de vie et d’humanité. L’atelier espère contribuer à rendre le monde judiciaire meilleur, comme le levain dans la pâte…
L’atelier Justice est ainsi un petit groupe à géométrie variable, où certains ne font que venir pour voir, où d’autres restent plus ou moins longtemps, où certains découvrent la spiritualité ignatienne où quelques uns s’ancrent pour longtemps.
Il s’y vit des discernements professionnels et beaucoup de soutien mutuel, car l’exercice de nos professions ou missions est éprouvant, que ce soit à cause d’une charge de travail trop souvent excessive, de l’intensité des souffrances rencontrées chez les justiciables ou de la préoccupation légitime d’un équilibre financier pour les avocats. Il faut y ajouter l’impuissance souvent ressentie devant la lenteur de l’institution, l’impression d’une justice au rabais et sans moyens d’action efficaces, parce que sommée d’aller plus vite et de faire mieux avec des moyens insuffisants ; sans compter de nouvelles missions incessantes.
Tenir une espérance dans des prisons surpeuplées ou dans des juridictions ne pouvant faire face à tout ce qu’il faudrait traiter, se préserver soi-même du burn-out sont parfois au centre des partages.
En terre laïque, il n’appartient pas à l’atelier de « se faire connaître » à proprement parler et il préserve avec raison une certaine confidentialité. Non seulement l’institution judiciaire se doit, vis-à-vis du public, de rester neutre, mais elle doit également épargner à ses collaborateurs les irritants frottements de l’affichage d’une conviction religieuse qui n’est pas la leur. Il n’est donc pas question pour l’atelier de communiquer par voie de mailing ou de prise de position ouverte en assemblée de collègues magistrats ou fonctionnaires ou même simplement de discussion en petit groupe sur les marches du tribunal.
L’information ne saurait donc passer que par la voie strictement privée, utilisant les contacts personnels de ses membres. L’organisation interne des professions libérales n’étant pas soumise aux mêmes sujétions que la fonction publique, il n’est pas rare qu’une messe placée sous le patronage de saint Yves réunissant les juristes fasse l’objet d’une annonce dans le bulletin local de l’ordre des avocats. Il est néanmoins difficile de diffuser par cet intermédiaire l’invitation à une réunion de partage de foi ouverte à diverses professions.
Le cadre institutionnel de CVX est en revanche outillé pour faire connaître publiquement l’atelier, qui est né en son sein et en partage la spiritualité et les principes fondamentaux, grâce à sa présentation sur le site internet mais également en relayant éventuellement un jour les réflexions de l’atelier, conformément à sa charte, sur un sujet de société précis, par exemple une mesure étatique limitant les libertés publiques qui léserait les valeurs de l’Évangile.
Un exemple : lors des petits groupes d’échange avec notre atelier, à l’Assemblée mondiale de CVX à Amiens, cet été, les participants de certains pays ont soulevé la question de la corruption généralisée de l’institution judiciaire, qui couvre des abus et de la difficulté qu’il y aurait à envisager la création d’un Atelier justice sur le modèle français. Si une telle situation existait en France, que serions-nous amenés à faire ?
L’engagement « militant » au sein de notre atelier se pose régulièrement, les débats peuvent être parfois animés car le devoir de réserve pèse lourd. Mais des décisions personnelles mûrissent et nous avons conscience d’être dans une certaine résistance spirituelle par rapport aux évolutions évoquées plus haut. Il en est certainement de même dans les communautés locales classiques, car de nombreux domaines sont sujets d’inquiétudes (santé, éducation, logement, etc…); ce serait un sujet intéressant à aborder dans des rencontres régionales ou nationales !
Christine, Élisabeth et Marc-Emmanuel, membres de l’Atelier Justice de la Communauté de Vie Chrétienne