Comment ai-je décidé de faire une retraite cet été ? En cette année bousculée, mes projets de mai avaient été annulés et je commençais à reconnaître ma fatigue, mon état de souci permanent. Une amie de cœur m’avait proposé de passer un temps ensemble, mais elle recherchait aussi, dans ses rares jours disponibles, à se ressourcer profondément. Comment se ressourcer sans aller à la source ? Pourquoi ne pas nous laisser porter par d’autres, dont la présence aurait pour seul but de favoriser notre rencontre avec Celui qui nous donne la Vie comme une source d’eau vive jaillissante ? Nous avions du goût pour marcher, envie de grand air, les dates correspondaient : pour nous, cette année, ce serait une semaine Prier-Marcher-Partager à St Hugues de Biviers.
Je n’avais pas d’attente énorme. Je sais juste que ces pauses régulières à l’écart me nourrissent profondément, me déplacent toujours. J’ai confiance. C’est toujours inattendu, plus ou moins fort, mais toujours un temps de cœur à cœur, vrai. Dans l’année, j’ai du mal à prendre seule, de vrais temps de prière avec la Parole de Dieu.
Début de la retraite. J’arrive en confiance. Mais, aller au cœur de mon cœur, avoir une parole vraie, dire mon désir, c’est aussi rapidement faire face à mes larmes. Comment louer le Seigneur, alors que mes larmes sont bien là ? Cà ne commence pas comme je voudrais. Mais j’en suis bien là. Mon accompagnateur – j’ai choisi d’être accompagnée, c’était comme on voulait, quand on voulait – essaie de m’inviter à regarder où me mènent mes résistances dans la prière. Je pense la journée finie, mais lors de la veillée, nous prions ensemble le texte où Jésus guérit un sourd, amené par ses proches, en le prenant à l’écart, en lui touchant les oreilles de sa salive… Je vois la tendresse de Jésus qui le prend à l’écart. J’aime contempler ce sourd, je me sens un peu perdue comme lui, si petite. C’est une soirée où l’orage menace. Je m’assieds ensuite dehors face à la forêt qui tremble. Je parle au Seigneur avec mes larmes. Je cherche ce qu’Il peut bien vouloir en dire. Et j’entends en mon cœur deux choses : est-ce à toi de « préférer » la joie aux larmes ? et aussi « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ». Deux phrases qui peuvent paraitre violentes, ascétiques, déplacées et qui pourtant me disent la consolation toute proche de moi, qui s’offre dans la tristesse. Le cœur apaisé, je vais me coucher.
Le lendemain, j’entends cette parole : « Ma fille » et avec le texte du Fils Prodigue, je contemple ce Père qui ne cherche qu’à accueillir son fils, avant tout. Ce Père si bon, si tendre, si solide et généreux. C’est avec le même empressement me semble-t-il que le prêtre qui me donne le sacrement de réconciliation m’accueille dans la veillée qui nous est proposée. Il entend ce que je dis, mais vraiment j’ai l’impression que ce n’est pas le plus important pour lui : il cherche à venir vers moi avec quelque chose de plus grand, de plus simple, de plus joyeux, qui dépasse tout ce que je peux lui dire. On nous a par ailleurs proposé d’écrire une lettre à quelqu’un, si nous voulions, puis de l’envoyer ou la brûler. Je décide tout à coup de saisir cette occasion, en faisant confiance à cet Amour reçu de Dieu, qui est là, palpable dans toutes les attentions autour de nous pour cette soirée. J’écris ce qui me pèse, et cela se dénoue en écrivant. L’Amour est plus grand. Paix profonde. En moi quelque chose a bougé.
Toutes les propositions qui nous sont faites dans la semaine sont extrêmement simples, mais incarnées. Ceux qui nous accompagnent nous disent quelques points, dont je sens bien qu’ils sont ancrés dans leur propre expérience, avec leurs blessures et leurs consolations, même si je sais très peu de chacun.
Du groupe non plus je ne sais pas grand-chose, si ce n’est que je sens chacun en vérité. Cela me touche.
La semaine avance. Je repars, appelée à aimer, même si je vois bien que je ne sais pas aimer comme Jésus. Mais n’est-ce pas cela que j’ai appris ? Je suis petite, avec un « cœur brisé et broyé », mais c’est à cet endroit-là que je suis consolée, que je peux accueillir la Parole de Dieu et son Amour agissant tous deux si fortement, au-delà de tout.
Avec mon amie, nous partageons un peu tout cela avant de reprendre nos routes différentes. Reposées en profondeur, je sens bien que nous n’en sommes plus tout à fait au même point. C’est bon.
Je suis prête pour l’inconnu de la suite. Je rends grâce pour ce temps où d’autres m’ont portée à Jésus et je pense à mes compagnons CVX, à la diversité des propositions qui nous sont faites sur 1 jour, 2 jours, 3 jours, une semaine ou plus, avec ou sans accompagnement, dans une grande liberté, à cette chance que nous avons et que nous ne saisissons pas toujours. Comment donc faire autrement qu’accepter de témoigner ?
Isabelle de la communauté Nanterre Grande Arche