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Epouse de diacre, mère de séminariste, femme blessée dans l’Eglise

Qu’est-ce qu’un diacre ? La question suscite bien souvent une perplexité due au manque de clarté dans la vision du diaconat. Mais ces hommes sont tous habités d’une foi fortement chevillée, d’un grand désir de servir et de suivre le Christ. Disciples en terre de mission, ils sont un peu comme les croix que jadis nous croisions aux carrefours dans nos campagnes.

« Epouse de diacre », à ce titre, je suis invitée à la rencontre annuelle avec l’évêque. A la  dernière rencontre, en présence du nouveau prêtre délégué au diaconat, chaque diacre a été invité à présenter sa mission.

Ce tour d’horizon a permis de soulever des points fondamentaux. Certains s’étonnaient de l’absence d’évolution de leur lettre de mission depuis leur ordination parfois trentenaire ! Toute nouvelle mission se juxtaposant à l’ancienne, la situation peut devenir compliquée pour certains, heureusement devenus retraités entretemps.

Un autre point apparaît également, l’absence totale d’évaluation et de formation continue qui en découle pour sa mission. L’un d’eux souligne en prendre l’initiative. De ce fait, chacun peut se sentir électron libre, une sorte d’ermite en terre de mission, une terre éloignée de l’évêché pour les ruraux.

Quel contour donner à ce le lien « privilégié » qui unit l’évêque et le diacre?  Comment le faire vivre, alors que chacun se sent submergé dans son quotidien ?

Ce lien nourrit cependant le diacre dans sa mission : « porté par la force de la relation qui l’unit à son évêque, le diacre rend présent le lien ecclésial et l’invitation à vivre de l’alliance qu’il signifie[1] »

Le diaconat, ministère de « l’aller et du retour [2]», ne pourrait-il aujourd’hui pleinement manifester ce lien fort pour rejoindre les uns et les autres qui se sont et se sentent si éloignés de l’Eglise ?

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« Ton fils est séminariste ! Lequel ? Celui qui est psychiatre ? Pas banal comme parcours ! C’est une grâce ! »

Pour moi, chrétienne engagée, une boule noire enfouie au plus profond, souffrance indicible, étouffante depuis si longtemps, m’empêche de me réjouir pleinement de cette bonne nouvelle !

Et voilà que paraît la lettre au Peuple de Dieu du Pape François en août 2018, qui me met en joie. Que se passe-t-il ?

Viennent ensuite révélations sur révélations, plus scandaleuses les unes que les autres, qui m’assomment comme tant d’autres ! Mais des paroles et des écrits, forts, audacieux, comme surgissant des tréfonds, de femmes[3] courageuses qui se lèvent, qui osent, me redressent. Théologiennes reconnues, elles expriment mon ressenti, et me libèrent. Merci Mesdames !

J’ai pu dire à mon fils que de le voir entrer dans une hiérarchie sclérosée, dépassée, asphyxiée, incapable de se projeter dans un avenir créatif, inventif, m’était insupportable, tant je m’interroge sur cette composante en déclin de la vie ecclésiale.

Après avoir dialogué avec lui sur « l’obéissance de liberté en l’Eglise », je poursuis sur un chemin de nouvelle fécondité qui pourra me donner de me réjouir pleinement. Je l’espère !

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Femme blessée en Eglise, comme tant d’autres, j’ai éprouvé l’absence cruelle de dialogue en profondeur avec prêtres ou évêques successifs du diocèse. Impossible d’aborder certains sujets. Combien de regards opportunément détournés, d’indisponibilité, de banalisation du propos, que sais-je encore…  La lassitude et le dépit m’ont gagnée.

« Epouse de diacre », je suis exaspérée par le lancinant sujet de notre « place » !  Que faire de nous ? Comment nous situer ? Diable !

« Mère de séminariste » jamais je n’aurais eu un échange avec prêtres ou évêque du diocèse. Je ne citerai qu’un seul souvenir pour illustrer mon propos. Le hasard nous a conduit, l’évêque et moi-même, à parcourir ensemble les 200 mètres du presbytère à l’église pour la messe d’institution de mon fils. Après un bref échange très banal, nous avons marché sans prononcer un seul mot. J’attendais, rien n’est venu. Nous sommes rentrés dans l’église, lui montant la nef, moi saluant les personnes présentes. Edifiant !

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Je me suis longtemps tue pour ne pas poser problème ni être un problème.

J’ai pu rester en paroisse grâce au ressourcement véritable puisé dans la spiritualité ignatienne et à mon appartenance à la Communauté Vie Chrétienne.  

Je mesure à quel point, les verbes contempler, discerner, envoyer, évaluer, tellement riches et sources de fécondité, pourraient être mis à profit au sein de l’Eglise diocésaine et paroissiale que j’aime tellement et qui me semble se laisser dépérir.

Discerner ensemble avec et pour le Peuple de Dieu « selon, les nécessités de lieu, de temps et de personnes» en communion fraternelle, en quoi cela ne peut-il être tenté ? Le Pape François nous le demande.

Je me sens concernée. Aujourd’hui, impossible de me taire, impossible de ne pas agir.

Marie-Christine


[1] Etienne Grieu, Un lien si fort, quand l’Amour de Dieu se fait diaconie,  Ed de l’Atelier, 3ème éd, op cit, p. 137

[2] Albert Rouet, Diacres, une Eglise en tenue de service, op cit, p. 103

[3] Je remercie notamment Anne-Marie Pelletier, Véronique Margron, Lucetta Scaraffia, Isabelle de Gaulmyn …