Les fondateurs du mouvement du 25 mars militent pour le développement de relations harmonieuses entre les deux religions.
Nous devons rendre compte d’une autre rencontre, celles des fondateurs du mouvement du 25 mars, jour de la fête de l’Annonciation. Quelques musulmans, parmi eux Cheikh Mohammad Nokhari, directeur de Dar el Fatwa, la plus haute instance de l’Islam sunnite libanais au début des années 2000, Bassam Tourbah, ambassadeur au Liban, plus tard conseiller du Président Hariri (il se présente avec humour comme sunnite-jésuite), des chrétiens maronites comme Nagy El-Khoury (secrétaire général des anciens du collège de Jamhour) en sont l’âme.
Le Cheikh Nokhari est en quelque sorte un “dévot de Marie”, il montre que sa place dans le Coran est importante et trop souvent sous-estimée. Une dévotion partagée entre chrétiens et musulmans peut donc les rapprocher. Aussi, avec des amis maronites tel Nagy El-Khoury, il a plaidé depuis 2004 pour que la fête de l’Annonciation devienne une fête nationale chômée au cours de laquelle chrétiens et musulmans pourraient prier, sinon ensemble, du moins en une certaine communion, la Mère de Jésus.
Par décret du Président Saad Hariri, il en est ainsi au Liban depuis 2010. “La rencontre islamo-chrétienne autour de Marie” qu’ils animent milite désormais pour le développement de relations harmonieuses entre les deux religions dans le respect de l’identité de chacune. Le mouvement commence à se développer en Europe.
Cette volonté de coexistence paisible et de partage spirituel a eu un coût pour ses initiateurs. Cheikh Nokhari a été l’objet d’un attentat, il n’a pas été reconduit dans l’une de ses fonctions les plus éminentes. Mais les signes positifs ne manquent pas.
Récemment, Nagy El-Khoury a été nommé par le Président sunnite, Saad Hariri, “chargé de mission pour le dialogue islamo-chrétien”. Dans un contexte international marqué par la violence aveugle du terrorisme islamiste en Asie, au Proche-Orient, en Afrique, en Europe, ces hommes sont de vrais “prophètes”.
Dans l’Ancien Testament, comme aujourd’hui, la mission du prophète est de parler et d’agir à contre-courant de l’histoire présente la plus bruyante, pour faire entendre une autre voix, ranimer l’espérance, anticiper sur la paix, démontrer par des gestes symboliques que la coexistence est possible. Ils témoignent aussi que le mal ne l’emporte pas dans l’Histoire même si, provisoirement, il peut être diablement à l’œuvre et doit être combattu.
Patrick Langue s.j. rédacteur patrick.langue@orange.fr
Jésuites Alumni N°3 – Mars 2019