Préambule concernant le second tour de l’élection présidentielle :
Comme nous le rappelions dans la dernière newsletter d’avril, le second tour peut ne pas être celui que nous avions souhaité. Le candidat pour lequel nous avons voté peut avoir été éliminé. Cette réalité nous est donné et nous avons à nous l’approprier. Nous pouvons y rechercher des éléments nouveaux de compréhension de notre temps, de notre monde, de nos inquiétudes et aussi de nos espérances. Et reprendre nos étapes de discernement, continuer de s’informer sur les aménagements des programmes, d’échanger, d’écouter les souffrances et les problèmes réels des personnes en difficulté et en colère. Notre vote ne peut se résumer à un mouvement d’humeur ni répondre à des mouvements de peurs ou ressentiments, c’est la porte ouverte à la montée des violences et autres forces destructrices, signes de désolation.
Pour autant, la spécificité de ce second tour est la qualification de Marine Le Pen. Sa présence ajoute une dimension passionnelle à l’élection, à la fois du fait de l’histoire du parti qu’elle dirige, des intentions réelles ou supposées qui sont les siennes, de la violence parfois (à peine) contenue de ses propos… Au final, le débat entre les deux tours n’est de ce fait pas seulement « projet contre projet ».
Le débat du second tour nous traverse sous deux formes : d’une part, le candidat idéal n’existe pas et d’autre part, il s’ajoute un ferment de division sur ce que représente Marine Le Pen et le Front National aux yeux d’une certain nombre. Pour d’autres, aucune solution ne parait acceptable ; ce premier tour à laissé peu de place à une information distanciée, analytique ce qui peut inviter à se mettre en résistance contre l’imposition d’un candidat choisi d’avance.
Acceptons-nous de débattre sereinement et de défendre nos convictions en écoutant aussi celles des autres ? Sommes-nous également convaincus de l’importance de voter, plutôt que de s’abstenir ? Et comment choisir entre deux candidats qui peuvent ne pas incarner l’idéal de nos attentes ?
Pour notre Communauté, il n’est pas dans notre charisme de donner des consignes, mais plutôt de proposer des moyens pour que chacun puisse se déterminer en conscience.
Après la démarche proposée pour le premier tour, les deux enjeux nous semblent essentiels : poursuivre la démarche pour voter en conscience et vivre ensemble, si possible au sein de nos communautés locales ou régionales, cette étape – peut-être cette épreuve – et en recueillir les fruits pour approfondir le sens de notre engagement. Nous proposons de poursuivre cette démarche pour le second tour et d’une certaine manière, au-delà, pour discerner les réalités de notre temps dans lesquelles chacun de nous est aussi appelé à s’engager, comme le rappelle les Principes généraux de la Communauté :
4 […] Nous voulons devenir des chrétiens engagés, en portant témoignage des valeurs humaines et évangéliques qui, dans l’Eglise et la société, touchent à la dignité de la personne, au bien-être de la vie familiale et à l’intégrité de la création. Nous sommes particulièrement conscients du besoin urgent de travailler pour la justice par une option préférentielle pour les pauvres et un style de vie simple qui exprime notre liberté et notre solidarité avec eux.
Comment choisir le 7 mai prochain ?
Dans l’étape 2, nous invitions à prendre conscience de nos peurs, craintes et de nos espérances, qui peuvent parfois nous aveugler. Approfondissons ce travail pour le second tour : revenons à nos attachements, nommons les, partageons les. Et tentons, pour libérer notre jugement, de les mettre à bonne distance.
Puis, pour affiner les enjeux, comme le proposait l’étape 3, nous pouvons aussi distinguer les mesures publiques de portée « générale », qui s’appliqueront à tous, et les mesures publiques de portée « individuelle ou familiale », auxquelles je ne serai pas contraint de me soumettre, en repartant par exemple des principes de la Pensée sociale de l’Eglise :
S’abstenir ? voter blanc ?
Voter, c’est choisir, un chrétien ne peut s’abstenir de vote , de ne pas choisir, c’est une question de responsabilité citoyenne. L’abstention, dans notre système électoral, laisse le choix aux autres. Elle ne saurait donc être une solution.
Nous pouvons aussi reprendre les Principes Généraux de notre Communauté ou encore Laudato Si, pour affiner notre jugement.
Enfin, pour l’étape du discernement en vue du choix (étape 4), rappelons ce que le Père Demoustiers,sj disait de Principes et fondements : « L’indifférence est l’acte de mettre les plateaux en équilibre pour être en mesure de bien choisir.’Il est nécessaire de nous rendre indifférents’, il ne s’agit donc pas d’un état – être sans désir – mais d’un acte qui se donne comme le préalable au choix véritable, qui libère les conditions pour apercevoir les vraies préférences. ’User’, ne s’oppose pas à ’ne pas user’ mais à ’se dégager’. La balance devrait être juste et ne l’est pas. Nous sommes englués dans les choses. Il nous faut rétablir les conditions d’une juste évaluation. Ne pas nous sentir sans préférence ce qui serait contradictoire à notre humanité – mais éprouver qu’une manière d’être attaché aux choses entrave notre liberté. Un désengagement provisoire s’impose à nous pour entrer dans une libre préférence. Avant de faire le choix, il convient de créer l’alternative, de prendre de la distance, de nous ’défasciner’. »
De même, lors de cette avant-dernière étape précédant le vote, nous avions rappelé ce qu’Ignace avait mis en œuvre lors de sa conversion : Il était sur son lit de convalescent entre les rêves d’exploits guerriers pour sa dame et les rêves héroïques à la suite des saints… Jusqu’à un moment, il n’a plus considéré ses rêves mais ce qu’ils produisaient dans sa conscience. Alors, peu à peu, il a constaté que certains rêves le conduisaient vers un désir de vivre plus grand alors que d’autres le laissaient dans la tristesse, le dégoût. Dès lors, il s’est déterminé à mettre les premiers en œuvre et a formé le projet de son pèlerinage en Terre Sainte. De même, vous aussi vous pouvez considérer ce que la réflexion pour tel candidat produit en vous de la paix, de la sérénité, de l’énervement, de la colère… peu à peu vous percevrez vers où votre cœur penche…Vous pouvez aussi, en ces jours, demander au Seigneur son aide pour aller selon son chemin à lui de pauvreté, d’humilité, de disponibilité…Vous pouvez renouveler plusieurs fois cette manière de faire, peu à peu, vous percevrez alors ce qui vous guide et vous donne de pouvoir fonder votre jugement et arrêter votre décision.
Nous proposons donc de considérer les deux candidats et de noter pour chacun d’eux ce qui vous attire, ce qui vous met en difficulté. Vous pouvez voir alors si, à travers cela, vous vous ouvrez à son style, à son type de mise en relation, à son discours… Vous pouvez reprendre vos considérations sur les deux candidats pour apporter d’autres éléments complémentaires. Voilà le retournement que nous vous proposons maintenant. A partir des résultats de cette double considération, vous allez vous interroger, vous-même, sur le type d’esprit qui vous anime, à l’instar de ce qu’Ignace a vécu et mis en œuvre.
L’espérance, dans ce contexte pascal, nous invite à l’ouverture, à construire une société juste solidaire et fraternelle. Nous vous proposerons des pistes pour la suite avec le billet 8 qui abordera aussi le processus de relecture…
Nous avons la chance de vivre les Exercices Spirituels qui nous aident à trouver notre identité profonde de Disciples, Compagnons et Serviteurs . Ils nous aident à prier comme dit Ignace avec notre « Liberté , Mémoire, Intelligence » et comprendre les perceptions différentes des autres pour dépasser les divergences dans l’intérêt commun.
Monika, Marie Dominique, Alain, Marc, Jean-Luc, Eric, serviteurs inutiles de la « CL Projet » « Voter en conscience »