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Aller « aux frontières » … près de chez soi

Relecture d’un engagement au CISED

Le CISED (Centre d’Initiatives et de Services aux Etudiants de Saint Denis) a été fondé en 2000 à l’initiative des jésuites et avec l’appui de CVX, de la congrégation des Auxiliatrices et du diocèse de Saint-Denis. J’ai assuré le mandat de président de septembre 2016 à début 2023 et j’en tente ici une relecture. Je précise que le président n’a pas un rôle exécutif ; le directeur du CISED est un jésuite, Christian Mellon, qui intervient par ailleurs dans bien d’autres domaines.
Alors que les jésuites s’occupaient beaucoup d’étudiants de grandes écoles, de nouvelles orientations incitaient à aller « aux périphéries » (en l’occurrence au-delà du périphérique) vers des populations moins favorisées : les enfants de banlieue accédant l’université Paris 8 Saint-Denis Vincennes. En fait ce sont surtout des étudiants étrangers qui sont venus, Paris 8 étant l’université de France ayant le plus fort pourcentage d’étrangers.  Le CISED compte environ 300 étudiants inscrits, de 50 nationalités différentes, et 75 bénévoles. La principale activité est la relecture en binôme étudiant-bénévole des mémoires et des thèses ; des cours de français et d’anglais y sont proposés, ainsi que du soutien psychologique ou administratif. Une agora favorise les échanges conviviaux et des fêtes, sorties et repas sont organisés pour entretenir une atmosphère de « joyeuse fraternité ».

Comment je suis venu au CISED

Coïncidence troublante : alors qu’un discernement mené en communauté locale m’avait orienté vers le CISED, j’ai reçu un appel du responsable national de CVX pour en assurer le service de président ! J’y ai découvert un climat porteur où l’on ne limite pas au « faire » mais où l’on s’interroge sur le sens de notre action, sur le plan technique et sur le plan spirituel. Le souci de ne pas être en surplomb avec les étudiants mais de recevoir aussi d’eux est permanent ; il y a beaucoup de trésors à découvrir chez eux ! J’ai aussi été frappé par la très grande affinité entre les qualités développées en CVX (notamment l’écoute en profondeur) et ce qui était attendu d’un bénévole du CISED. Entendant ce qu’on attendait du président (maintenir une veille sur les orientations et la gestion ; organiser les conseils d’administration et les assemblées générales), j’ai simplement joué ma partition au sein d’un collectif ultra compétent, bien en place et qui fourmillait d’idées créatives.

Quelques éclairages sur ce qu’on fait au CISED et le sens qu’on lui donne.

D’abord il y a cette interrogation rencontrée dans certains milieux chrétiens : « qu’est-ce que vous faites au CISED ? Vous n’allez pas convertir ses étudiants et plus tard vous ne les reverrez jamais ! ». Elle me laisse pantois mais il faut bien y répondre, et c’est le but de ce paragraphe. Non, nous ne sommes pas là pour faire du chiffre en matière de conversions, nous ne sommes pas l’aumônerie de Paris 8 (qui existe par ailleurs et occupe une salle annexe) mais nos visées sont élevées.

Les bénévoles chrétiens ont une opportunité en or de témoigner en actes de ce qu’est leur foi, témoignage qui restera dans les esprits et fera son chemin ou non. Exemple de questions qui viennent tout naturellement dans une séance de travail : « Pourquoi faites-vous cela ? Vous êtes payé ? », « Vous qui êtes chrétiens, que pensez-vous de … ? ». La question de la solidarité universelle, et pas seulement de nationalité ou de clan, interroge les étudiants. Certains nous disent « Vous ne vous rendez pas compte, mais vous avez été ma famille pendant 4 ans ! ». Le CISED est une association laïque mais qui ne cache pas les origines de ses fondateurs. Les étudiants abordent les questions religieuses avec un grand naturel et les bénévoles peuvent y répondre de la même façon.

Le thème de l’interculturalité a été travaillé au CISED en liaison avec une association, TellUs. Des séances très structurées permettent de découvrir comment on se comporte dans différentes cultures. Un thème récurrent de discussions entre bénévoles est la différence de façons de penser (et pas seulement d’écrire) entre européens et asiatiques notamment.

Le dialogue interreligieux est organisé pour les volontaires, sous forme de repas dont le thème est proposé alternativement par chaque partie. Ils se déroulent avec simplicité, naturel et profondeur, ce qui est remarquable en comparaison avec d’autres contextes. Ces relations interreligieuses se déploient aussi dans l’informel. Il est quand même étonnant que des musulmans contribuent beaucoup à l’organisation de la fête de Noël. L’un d’eux a fait un exposé sur « Jésus dans le Coran » et a conclu par ces mots « Jésus, il est pour tous, …. comme le CISED ». J’ai été pris à la gorge par l’émotion devant cette belle synthèse !

La vie du CISED n’a pas été néanmoins un long fleuve tranquille

Les propos précédents peuvent donner une vision irénique. Même en temps normal certains étudiants se débattent dans des problèmes de revenus, de logement, de titre de séjour, … certains vivent en squat. Malgré un savoir-faire certain, on est impuissant devant certains cas, comme d’autres organismes d’ailleurs. La crise du COVID a aggravé ces problèmes ; il a fallu faire une collecte auprès des bénévoles ou solliciter le Secours Catholique pour aider financièrement certains étudiants. En plus les habitudes de fonctionnement ont beaucoup évolué, aussi bien à l’université qu’au CISED. Pendant les périodes de confinement on a basculé en fonctionnement à distance (un bénévole réfugié en Bretagne travaillait par Zoom avec son étudiant rentré à Taïwan !). Le nombre d’étudiants a diminué ainsi que le nombre de rendez-vous. Après les confinements les étudiants sont moins revenus sur place, la convivialité en a pâti, les occasions de fête se sont raréfiées. Il a fallu mettre au point des plans pour lutter contre ces tendances et plus profondément réfléchir sur l’ajustement de ce que propose le CISED aux besoins des étudiants. La situation s’améliore progressivement, mais j’ai vécu cette dernière période avec inquiétude.

Conclusion

Cette expérience de 6 ans m’a remué, aussi bien en tant que bénévole (par cette sorte de fusion ressentie entre les fondamentaux de CVX et l’engagement concret au CISED) que président (elle m’a forcé à m’impliquer, à animer, questionner, moi qui ai plutôt le réflexe de rester en retrait). Si bien que j’ose à peine mettre des mots dessus par peur de la réduire, de la dénaturer. J’ai l’impression d’avoir pris un chemin de Vie, pour d’autres et pour moi ; ce fut une expérience spirituelle dans l’action, bien dans l’esprit ignatien.

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